samedi 15 octobre 2011

CANTATE DE GUERRE: fracas de deuils

Abdelghafour Elaaziz et Philipe Racine
Photo: Valérie Remise


À Abdelghafour Elaaziz



Sept hommes en colère dans les abysses de la terreur
leurs bouches en choeur leurs mains en sueur
le deuil grenat de leur lourdeur
la fleur de sel dans leurs larmes

à travers l'armure de la chair brûlée
l'eau des corps
cambriolée
éclats d'obus
dans la boursouflure de la guerre

mains coupées
doigts gelés
éclats de pus

au nom du père et du fils
le théâtre
dans le rouge vif

le feu au métal
la poudre au corps
les lames de fond
dans les gorges chaudes

le silence des longs adieux
dans les regards en jeu

avec de la suie sur son visage
l'âme de l'Acteur
au cœur du chœur de sa cantate

et l'armistice pour les veufs de l'amour
et du silence noir tout le tour de la salle muette
et des trous de balles à blanc dans le profond des yeux creux

le temps d'une agression
le temps d'une vision
le temps d'une aversion

et le bruit clair d'une chaîne
qui traîne encore dans les parages...


Louise Langlois
5 octobre 2011
15 octobre 2011

***



À Montréal, le 5 octobre dernier, au Théâtre d'Aujourd'hui (pour la première fois, et non la dernière j'espère), enfoncée jusqu'au cou dans le siège G-9, ( étonnant beau hasard: un siège offert par Michel Marc Bouchard), je me suis mise "mal à l'aise" pour écouter ce que Larry Tremblay avait à me dire à propos de cette guerre de mots entre père et fils. Rien ne laissait présager que ce serait une pièce " facile ". Et c'est toujours bien tant mieux pour moi, parce que je n'aime pas assister à quelque chose qui me laisse " satisfaite ", parce qu'il n'y a jamais rien qui devrait laisser le Spectateur ainsi...Les temps seront toujours plus durs pour les mous.

À part quelques reniflements d'une spectatrice (émue ou enrhumée), on aurait pu couper l'air aux couteaux du chœur dans la salle tellement il était dense. Le gentil professeur de littérature assis tranquille à mes côtés ne s'est pas levé à la fin. Moi, si. Et même si nous avions tenu une belle et nourrissante conversation " d'avant-match ", je ne puis écrire que nous étions sur la même longueur d'ondes à propos de la pièce, ça se lisait aisément dans sa moue défaite. L'étrange phénomène des goûts et des opinions. Nous avions pourtant été sur la même corde raide, celle d'un théâtre qui ne fait ni dans la dentelle ni dans le tout cuit dans le bec. C'est Martine Beaulne, la metteure en scène, qui a orchestré de main de maître ce superbe ballet de cruautés; elle a fait pousser la peur sur le cuir de nos peaux de malusés, une peur jaillie du grand cru des mots salés de Larry Tremblay. CANTATE DE GUERRE... un brouhaha de silence noir pour des hommes au cœur dur, un coup de poing sur la tempe d'un temps de ravage, un comme si j'avais été LÀ...


Larry Tremblay, que je retrouverai avec plaisir (et douleur) en avril 2012 avec L'ENFANT MATIÈRE, dans une mise en scène d'un certain enfant terrible, Christian Lapointe, possède cette écriture qui a de quoi réjouir l'amateure de sensations fortes que je deviens au fur et à mesure des œuvres moins faciles que je visite. L'auteur du DRAGONFLY DE CHICOUTIMI m'avait particulièrement émue l'automne dernier avec la miraculeuse aventure dans les coulisses du temps qu'est son ABRAHAM LINCOLN VA AU THÉÂTRE. Des scènes parfaites (et sur mesure) pour un Périscope réno/innovateur. Le Périscope qui nous a annoncé une excellente nouvelle cette semaine en la nomination de Frédéric Dubois comme nouveau coordinateur artistique. Un gros PLUSSE pour l'avenir.



CANTATE DE GUERRE pour...Paul Ahmarani, toujours aussi saisissant, avec le son marquant de sa voix suprême; son alarmante prestation vers la fin de la pièce avait de quoi donner mal au ventre de la mère. Mikhaïl Ahooja, attendrissant de beauté, avec ses mots d'enfant troublé/troublant. Abdelghafour Elaaziz, concentré comme je m'y attendais; lui que j'avais " découvert " en bourreau à travers le somptueux INCENDIE de Denis Villeneuve au printemps dernier, donnait à nouveau sa pleine mesure en tant que...bourreau...Abdelghafour, qui faisait partie du brillant choeur avec Frédéric Lavallée, Mathieu Lepage, Philippe Racine et Denis Roy; Abdelghafour, à qui je dédie ce texte...un peu pour me faire pardonner de mon invisibilité d'après-match ;-)...


***

Je m'en voudrais de ne pas parler du COCAGNE, ce charmant bistro de la rue St-Denis...Tout juste descendue de l'autobus, affamée, à quelques minutes de 20 heures et à deux pas du Théâtre d'Aujourd'hui, il me fallait me sustenter et vite. Après quelques hésitations entre quelques uns des multiples restaurants, le temps de rencontrer de gentils quêteux, j'entrai au COCAGNE. Merci aux charmants jeunes serveurs qui ont eu l'amabilité d'endurer la cliente pressée que j'étais. De l'eau claire, du pain craquant, une onctueuse crème de champignons beurre au foie gras suivie de deux plus que succulents ravioles d'agneau, champignons, oignons caramélisés et huile de truffes auront à jamais une place d'honneur dans ma mémoire gustative. Divin! Le total de la facture s'élevait à quelques 23 dollars, le prix moyen d'une pièce de théâtre ! Il me faut l'écrire: l'art de la table est parfois (et souvent) aussi nourrissant que celui de la scène, et les deux font parfois très bon ménage, je n'ai qu'à me remémorer les audacieuses NOTES DE CUISINE du Théâtre du Buffet, dégustées récemment à...LA CUISINE...


CANTATE DE GUERRE

Texte: Larry Tremblay
mise en scène: Martine Beaulne
interprétation: Paul Ahmarani, Mikhaïl Ahooja, Abdelghafour Elaaziz,
Frédéric Lavallée, Mathieu Lepage, Philippe Racine, Denis Roy
assistance à la mise en scène et régie: Stéphanie Capistran-Lalonde
dramaturgie: Marie-Christine Lesage
décor: Anick La Bissonnière
costumes: Daniel Fortin
éclairages: Claude Cournoyer
musique originale: Ludovic Bonnier
accessoires: Julie Measroch
voix: Frédérike Bédard
maquillages et coiffures: François Cyr
conseiller au mouvement: Huy Phong Doan
collaborateur au décor: Éric Olivier Lacroix

http://www.theatredaujourdhui.qc.ca/cantate




1 commentaire:

  1. (via facebook)

    Abdelghafour Elaaziz

    Je rentre de la fête de la dernière et je vois ton mot et ta poésie...Merci beaucoup...tes impressions et ton dédicace me laisse sans mots...C'était une grande bataille artistique pour nous Cantate et surtout une très belle, douce et intéressante expérience humaine, l'énergie de l'équipe était super et on se marrer très bien malgré la gouffre sombre que nous essayons chaque jour de passer à travers...penser chaque jour au son d'une machette tranchant l'os...et la grande joie était que nous avons joué le chœur, c'est rare qu'on voit ça...on fait un peu le chœur à l'école et on passe...On oublie ça...jouer dans un chœur ça doubles les sens. C'est merveilleux. Merci encore une fois, ta poésie aide bien à s’enivrer du spleen de cette dernière....
    Alhamdou lilah. Dieu merci.

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