vendredi 20 novembre 2015

SUR LA MONTAGNE, NUE : comment l'eau mère des mots sablés accoste au beau quai


Photo: Nicola-Frank Vachon




« Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé n’est peut-être pas fortuite. »

Anne-Julie Royer





Dans la forêt des chemises blanches
là où repose le souffle de la paix,
des pieds nus sur les noirs galets...

Avec ses petites, moyennes et grandes secousses,
la tempête est meilleure avec un bon chocolat chaud...

Enfermée dans le gris bleu des souvenirs de la sagesse,
l’eau tiède des hommes qui entre dans les ventres plats
et parfois un enfant qui en ressortira…

Entre l’eau mousseuse des bains joyeux
et l’eau froide des lacs du dernier hiver
le cœur est toujours à la bonne place...

Un quai sur le rivage
Des femmes sur la plage
Une montagne et des nuages
et des mains 
qui feront fondre les glaces...


NOTRE AMOUR 
POUR LES MONTAGNES 
NOUS GUÉRIRA
Guy Laramée




Matin après matin, le soleil se lève à l’Est; nuit après nuit, la lune s’enfonce à l’Ouest. Les nuages disparaissent et les montagnes manifestent leur réalité, la pluie cesse de tomber et les Quatre Montagnes (la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort) s’aplanissent.

Maître zen Dogen
(19 janvier 1200-22 septembre 1253)






Le bokeh (se prononce comme « beau-quai ») désigne un flou artistique d’arrière-plan permettant de détacher le sujet de son environnement. Le terme vient du japonais boke que l’on traduit par flou ou de bokashi, qui décrit la gradation de couleurs dans la gravure japonaise sur bois. Si ce terme est aujourd’hui couramment utilisé, il n’est apparu dans les livres de photographie qu’à la fin des années 1990. (wikipedia)


Port de Reykjavik, Islande
Marie Gilbert



Quatre femmes parlent de leur vie, écrivent des livres ouverts, dessinent des visages ovales, lisent Duras, écoutent Barbara, prennent de vos nouvelles, photographient des paysages, chantent ensemble, pleurent en exil, rient de leurs travers, sourient à la mer, deviennent mère, raccommodent les jours aux nuits, jouent du piano devant leur maîtresse, mettent la table, la desservent, en ramassent les miettes, donnent des bains, défont les couettes, entrent sous les draps, dorment tranquillement ou font semblant, et rêvent de leurs amants…





SUR LA MONTAGNE, NUE, poème suspendu aux lèvres molles des saisons qui sculptent les cœurs ouverts dans les maisons écloses; objet théâtral rempli de zénitude, bien-être social qui remplace le tumulte des flots quelque peu sanglants de ces derniers jours. SUR LA MONTAGNE, NUE,  moelleuse mise en scène signée Marie-Hélène Gendreau qui, après nous avoir retrempés dans les eaux visqueuses de son percutant TRAINSPOTTING la semaine dernière, nous a transportés sur les rives douces/salées d’une beauté facile à apprivoiser. Toute une différence d’atmosphère. Comme quoi le Théâtre sait comment déranger les choses tout autant que les arranger.


Anne-Julie Royer 
par Nicola-Frank Vachon


C'est elle, Anne-Julie Royer, poète et professeur de littérature au CEGEP de Limoilou, qui a confectionné ce magnifique texte empreint d’imageries d’un quotidien qui se veut tout aussi singulier qu’ordinaire. Des portraits de femmes qui laissent filtrer à travers leur caractère la couleur chair de leur féminité. Un flou artistique, une sorte de bokeh, flotte encore dans ma petite tête « mûre » de mère porteuse, avec comme arrière-plan une odeur de sérénité, un parfum d'iode inondant ce monde de guerre et paix fait de mots tapés à 1000 à l’heure... entre l'ombre et la lumière...


Photo: L.Langlois




QUEL JOLI TEMPS SEPTEMBRE

Les fleurs portent déjà les couleurs de septembre
Et l’on entend, de loin, s’annoncer les bateaux.
Beau temps pour un chagrin que temps couleur d’ombre.
Je reste sur le quai, mon amour. À bientôt…

Paroles: Sophie Makhno
Musique: Barbara




IL FAUT RESTER VIVANTS
MON AMOUR
À L’HEURE OÙ LE MONDE FARDE SES RUINES

Lyne Richard
« MARCHER PIEDS NUS SUR NOS DISPARITIONS »
Éditions DAVID


Photo: Nicola-Frank Vachon



LES COMÉDIENNES


Linda Laplante, épanouie et si rayonnante, un astre trop rare, qu’il nous faisait tant plaisir de revoir ici, à Québec; Marianne Marceau, toujours aussi lumineuse, réjouissante et naturelle, une pierre angulaire pour notre théâtre et son avenir (d'ailleurs, elle assistait Marie-Hélène Gendreau à la mise en scène); Valérie Laroche, ardente, intérieure, et surtout toute entière, imprégnée de cette lumière humaine qui vous enchaîne à son regard; Laurie-Ève Gagnon, touchante comme jamais, une voix forte et fragile à la fois, belle et envoûtante. Des scènes absolument magiques, entre autres lorsqu'elles dansent, fument et boivent; des images qui ont évoqué des souvenirs d'une certaine jeunesse qui fuit de plus en plus par en avant. Sur la magnifique et énergisante musique de BEIRUT...













Toutes les quatre, bien enduites de la chaleur de ce texte de braises, ont réchauffé la partie refroidie d'un cœur quelques fois malmené par les diverses fatalités de l’actualité morbide des derniers jours, ces vains attentats venus faucher la vie de belles jeunes femmes semblables aux suprêmes interprètes de cette pièce rattachée à l'Amour avec un grand A. Vraiment, il était fort bienvenu ce couvre-pied de douces émotions, non sans me rappeler celui de NORGE, autre inoubliable voyage, en Norvège celui-là, un périple que nous avions fait en mars dernier au TRIDENT avec l'unique et si touchant Kevin McCoy.


Marc Roussel
Photo: Nicola-Frank Vachon



Les musiques, telles des points de suspension accrochés au plafond des mots, choisies pour engendrer des liaisons (non dangereuses) entre les histoires aux cent paroles. John Adams (CHINA GATES), Claude Debussy (ÉTUDE NO. 10 POUR LES SONORITÉS OPPOSÉES), Ludwig van Beethoven (BAGATELLES OPUS 119 no 1 et 2 extraits), Alexandre Scriabine (PRÉLUDE EN SI MINEUR, OPUS 37 no 1), Marc Roussel (IMPROVISATION), Paul Hindemith (FUGUE no 1 EN DO MAJEUR tirée du « Ludus tonalis »-extrait) et Jean-Sébastien Bach (SINFONIA no 11 EN SOL MINEUR,BWV 797). Somptueusement enchaînées par Marc Roussel, pianiste accompagnateur présent tout au long de la pièce, ce fût un véritable molleton pour l’âme. CHINA GATES, la pièce d’introduction, donnait déjà le ton à ces mouvements d'émois profonds...




tu sais ce que le corps exige
quand la voix se noue
aux désordres de novembre
le ciel respire de vieux jardins
pleins de malentendus

des rideaux se lèvent
sur de lents paysages
pour la capacité des nuits
à recoudre les naufrages

Lyne Richard

UNE BARQUE PEINTE EN ROUGE
Éditions DAVID





Une très belle rencontre avant la pièce, celle de Frédérique Bradet, qui nous informait que le NoShow avait fait sa première en France, à Paris-Villette…en plein attentat. Non sans avoir eu une pensée spéciale pour eux là-bas, nous avons tout de même parlé de MATÉO ET LA SUITE DU MONDE qui sera créé au théâtre de LA BORDÉE en janvier prochain et dans laquelle elle jouera avec « des personnes ayant des limitations fonctionnelles ».  Et puis, chut ! SUR LA MONTAGNE, NUE commençe…








Ma chemise blanche, au repassage
 Photo: L.Langlois



SUR LA MONTAGNE, NUE

PRODUCTION: Théâtre aux pommes
TEXTE: Anne-Julie Royer
MISE EN SCÈNE: Marie-Hélène Gendreau
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE 
ET À LA PRODUCTION: Marianne Marceau
SCÉNOGRAPHIE: Cécile Lefebvre
LUMIÈRE ET INTÉGRATION VIDÉO: Kevin Dubois
CONCEPTEUR PHOTO ET VIDÉO: Nicola-Frank Vachon
AFFICHE: Cécile Lefebvre
RÉGIE: Keven Dubois
MUSICIEN SUR SCÈNE: Marc Roussel
DISTRIBUTION: Laurie-Ève Gagnon, Marianne Marceau
Linda Laplante et Valérie Laroche


Photo: Nicola-Frank Vachon


Pour admirer les autres superbes photos de Nicola-Frank Vachon






Chez Bachir, boulevard René-Lévesque, là où nous sommes toujours bien accueillis par l'exilé de 1979, lui qui a sûrement du goûter aux petits doutes des gens d’ici envers l’Étranger mais qui se tient encore debout dans son resto à nous concocter les délices de son pays. Une discussion animée sur ce qui se passe en ce moment dans « l’autre continent » nous a ouvert l’esprit en même temps que l’appétit. Ses succulents plats équilibrés, de shish taouk au poulet pour moi, et assiette libanaise pour A., servis avec bière russe et écossaise, avaient de quoi remettre LE MONDE à l’endroit…directement dans nos palais...et nos assiettes…;-)





3 commentaires:

  1. via facebook le 21 novembre 2015

    Merci Louise ! Et quel beau texte vous a inspiré notre spectacle ! C'est un honneur ! Je suis ravie que vous ayez aimé votre soirée.
    Au plaisir,
    Marianne

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  2. via facebook le 26 novembre 2015

    Merci!!

    Laurie-Ève Gagnon

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  3. via facebook le 26 novembre 2015

    Merci!!

    Laurie-Ève Gagnon

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