mardi 5 décembre 2017

TITUS : la malveillance à son meilleur


Photo: Philippe Jobin

"When will this fearful slumber have an end ?"


 TITUS ANDRONICUS

Nos filles et nos gars
Déguisés comme des rois
Violés, étêtés, alanguis
Avec ou sans cœur
Sans père ni mère
Soldats d’Orphelins
Désespérément furieux
Ceints d’ennemis
Abandonnés dans le lit

Frères d’armes Sœurs de sang
Enfants d’enfers mort-nés
Qui déterrent haches de guerre
En affûtant couteaux et pierres

Au milieu de la sécheresse des déserts
Où se collectionnent des mondes
Qui torturent à chaud les catacombes



TITUS ANDRONICUS II

Like un rôdeur dans les walking dead
Faisant avaler des Pogos de chairs rôties
Foutant la merde dans la gueule du Mal

Autour des lanceurs d’alertes maximales
Aux lents demains des sans mains ni langue
Avec les lances, les épées et les poignards
Les cris et le chant des tambours battants

Depuis la fureur des longues dictatures
Par l’élévation de l’ampleur des murs
Tous les crimes commis et châtiments
Devenus des farces plates sans attrape





TITUS ANDRONICUS III

Par le sang royal des sacrifiés de l’errance
En face d’un public conquis d’avance
C’est la Rome nouvelle en direct format 3D

C’est le cœur haché dans la main coupée
Par-delà l’abîme du temps et de la mort
Produit d’humanité brute, banalité du mal

Et pour la suite du monde :
VENGEANCE, MEURTRE et VIOL
Porteurs de bouquets empoisonnés

Shakespeare was not in love




Il n’est pas nécessaire d’établir un complot en bonne et due forme pour obtenir les effets pratiques d’un complot. Plus de régimes ont été forcés à capituler, petit à petit, parce que l’on a appelé la « démocratie irlandaise », soit la résistance silencieuse et obstinée, la défection et la férocité de millions de personnes ordinaires, que par des avant-gardes révolutionnaires ou des foules en émeute.

James C Scott
Petit éloge de l’anarchisme
p. 52

L’émeute est le langage de ceux que l’on n’écoute pas.

Martin Luther King


" I will be as harsh as truth and as uncompromising as justice. On this subject, I do not wish to think, or speak, or write with moderation. I am earnest. I will not equivocate, I will not excuse, I will not retreat a single inch, and I will be heard. "

William Lloyd Garrison *




* L’œuvre de Garrison est rapidement tombée dans l'oubli, même si de son vivant Abraham Lincoln, Victor Hugo et John Stuart Mill en ont fait l'éloge, Henry David Thoreau s'en est inspiré, et que, par la suite, Léon Tolstoï la situait en lien direct avec sa philosophie chrétienne, qu'elle donnait une impulsion à certains des premiers mouvements pour les droits des femmes, et que Martin Luther King en a été non seulement le continuateur mais en fait l'imitateur, en joignant l'agitation politique à la « vision » d'un idéal moral.



Pour faire écho à la chanson A MORE PERFECT UNION des TITUS ANDRONICUS, que j'ai découvert tout à fait par hasard en tapant Titus dans YouTube, je tombe sur une citation de William Lloyd Garrison, qui me renvoie à wikipedia (que ferait-on sans lui ?) et j'apprends que Henry David Thoreau, Léon Tolstoï et Martin Luther King ont été inspirés par son "idéal moral". Autre hasard: j'avais choisi les citations de King et Tolstoï dans le PETIT ÉLOGE DE L'ANARCHISME de James C Scott, que l'excellent libraire Christian Girard m'avait suggéré il y a quelques années. Quant à celle de Thoreau, elle provient de LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE, essai émanant de son emprisonnement en 1846 pour refus d'avoir payé ses impôts, geste de protestation contre l'esclavagisme.Disons que ces lectures ont de quoi inspirer quelques Écornifleuses...en quête d'une liberté vraie... 


Il ne pourra y avoir d’État réellement libre et éclairé que lorsque l’État reconnaîtra l’individu comme une puissance supérieure et indépendante, d’où dérivent intégralement ses propres puissance et autorité, et qu’il le traitera conformément à ce statut.

Henry David Thoreau
La désobéissance civile








LES ÉCORNIFLEUSES : LA QUÊTE D’UNE LIBERTÉ VRAIE.

Pour expirer le sale, le faux et la méchante boule dans la gorge…
J’en ai contre le système qui préfère l’accumulation à la profondeur. J’en ai contre l’Étau qui se resserre, contre nos institutions qui n’ont pas de vision, j’en ai contre l’asphyxie qui est partout. Je manque d’air, je manque d’oxygène, je manque de temps, je manque de joie, de foi.

Édith Patenaude in le programme 

LANTISS, Université Laval
Photo: L.Langlois
Nous serons toujours au poste pour voir du théâtre qui ose, surtout celui des Écornifleuses. Le 28 novembre dernier, nous avons encore une fois été servis comme des rois et des reines. Peut-être un peu mêlés au premier tiers par tous ces rôles défendus avec justesse et caractère. Il suffisait d’être à l’affût des complots. Déplacés au Pavillon Louis-Joseph Casault de l’Université Laval pour cause de délai prolongé aux rénovations du Périscope, j’ai bien apprécié le fait de me retrouver en terrain inconnu pour assister à cette cérémonie théâtrale d’une envergure phénoménale. La beauté de toute cette intensité déployée, à majorité féminine, a provoqué des instants dont nous ne sommes pas prêts d’en oublier l’horreur et la cruauté. 

Photos: Charles Fleury et Érick Labbé

Shakespeare l’a écrit ainsi et on l’a joué comme ça: Huit filles en garçons, deux hommes en femmes, aucun transgenre, pas encore du moins mais ça viendra sûrement un soir, je n’en doute plus un seul instant. Ils et elles nous ont transportés sur les pierres magiques d’une épopée foudroyante où le gargantuesque côtoyait quotidiennement la folie des hommes. Toutes ces machinations antiques, qui ont fait tant de mal à ceux et celles qui en subissaient les coups et contrecoups, ont prouvé aux pauvres humains que nous sommes devenus que c’est encore loin d’être terminé. Malgré toutes les atrocités que la guerre et les conflits divers font apparaître dans les villes, déserts et forêts de notre monde technologique, nous apprenons        L   E    N    T   E     M    E         N            T               les leçons des ANDRONICUS, SATURNINUS et autres tyrans de ce monde de connectés permanents. Un monde fait sur mesure pour la vitesse et qui fait parfois malheureusement de certains d'entre nous leurs indignes descendants. 
Toute la clarté de la lumière faite sur mesure pour cette histoire outrageusement nécessaire aura comblé mes attentes et j’espère aussi les vôtres. Nous ne mangerons peut-être plus jamais de POGOS pour le restant de nos jours (et ça ne sera sûrement pas dommage), nous préférerons davantage les shish taouk de Bachir et les délices d’Ariana. Bravo aux comédien(ne) s et aux artisan(e)s qui ont élaboré ce spectacle tant attendu par les amateurs du grand Will. Des femmes et des hommes qui se sont donnés corps et âmes devant nos yeux ébahis et quelque peu voyeurs en ces instants d’infamie suprême.
Une excellente critique:




L’autonomie et la liberté sont, au même titre que l’entraide, 
au cœur de la sensibilité anarchiste.

James C Scott
Petit éloge de l’anarchisme
p. 148

TITUS 
VALÉRIE MARQUIS : SATURNINUS, empereur
MYKALLE BIELINSKI : BASSIANUS, frère cadet de Saturninus
JOANIE LEHOUX : TITUS ANDRONICUS, général romain notoire
MARIE-HÉLÈNE LALANDE : MARCUS, frère de Titus
MARIE-HÉLÈNE GENDREAU : LUCIUS, fils aîné de Titus
ANGLESH MAJOR : LAVINIA, fille de Titus, fiancée de Bassianus
GUILLAUME PERREAULT : TAMORA, reine des Goths puis impératrice
DOMINIQUE LECLERC : AARON, Maure, amant de Tamora
CAROLINE BOUCHER-BOUDREAU : CHIRON, fils cadet de Tamora
VÉRONIQUE CÔTÉ : DÉMÉTRIUS, fils benjamin de Tamora


TEXTE : William Shakespeare
MISE EN SCÈNE et ADAPTATION: Édith Patenaude
APPUI DRAMATURGIQUE : Joanie Lehoux
CONSULTANT À LA DRAMATURGIE SCÉNIQUE : Patrice Charbonneau-Brunelle
TRADUCTION : André Markowicz
MUSIQUE : Mykalle Bielinski
STYLISME : Noémie O’Farrell
ASSISTANTE AUX COSTUMES : Gabrielle Doucet
LUMIÈRES : Jean-François Labbé
DIRECTION TECHNIQUE et RÉGIE : Marylise Gagnon
COMPAGNIE : Les Écornifleuses

TEXTE ENTIER



Plonger toute la place dans l'obscurité 
(rayée par des traits de lumière spectaculaires 
à travers les trous dans le matériau) 
corrigera ce déséquilibre.

(extrait d'un article sur un autre TITUS)

ET DANS TES PROFONDEURS 
ENFERME UN TRAÎTRE 

Un autre TITUS, celui d'Amadeus...


***

AVANT-MATCH

Arrêt à la librairie La Liberté dans la Pyramide: ORGASME À MOSCOU d’Edgar Hilsenrath pour moi et LE POIDS DE LA NEIGE de Christian Guay-Poliquin pour A. Guay-Poliquin, qui s’est vu mériter le prix du Gouverneur Général la semaine dernière dans la catégorie roman l’a ainsi remporté sur LE PLONGEUR de Stéphane Larue. Dommage pour le HellRider, mais on ne peut pas toujours gagner n’est-ce pas ? Ensuite, un souper au Shish Kebab express pour une longue conversation avec A. Du bon bla-bla-bla comme il faut s’en permettre une fois de temps en temps, pour y broyer les petits os fatigants du quotidien pognés dans la moulinette du bonheur. Ça fait donc du bien.




APRÈS-MATCH

La joyeuse rencontre dans l'escalier sans marche avec le beau et si aimable Philippe Durocher, qui est en train de nous concocter le 4e BEU-BYE. On a très hâte au 21 décembre. Et puis, l’achat d’un pot de préparation pour biscuits aux canneberges et chocolat des Écornifleuses, ceci afin de contribuer à leur prestigieuse compagnie qui fête ses 10 ans d’existence. C'est modeste comme montant mais c'est de bon coeur. Et surtout, longue vie à vous mesdames, je vous aime…


Photos: L.Langlois

Ce sont les savants qui écrivent l'histoire ; aussi leur est-il naturel et agréable de croire que l’activité de leur corporation anime le mouvement de l’humanité entière.

Léon Tolstoï
GUERRE ET PAIX

Les rêves petits-bourgeois contrariés sont habituellement l’étincelle initiale de l’agitation révolutionnaire.

James C Scott
Petit éloge de l’anarchisme
p. 156
TITUS 1999
(le film complet dans la langue de Shakespeare)


un peu de littérature

le nom de Shakespeare a été utilisé à tort et à travers
par les Anglais
les Américains et les Arméniens
mais ils n’ont rien compris à Shakespeare.
moi seul ai su le comprendre.
je ne dis pas cela pour me vanter
me prendre pour un autre.
se prendre pour un autre est très facile
à la portée de tous.
je dis ça parce que ça m’énerve
que tout le monde aime Shakespeare
ou Cervantès
ou Rabelais
alors que personne ne les lit
vraiment.

lors de soirées littéraires ils s’exclament :
-ah! Hamlet! Ah! Don Quichotte! Ah! Gargantua!
mais ce sont
de fieffés menteurs.
ils ont lu vingt pages de chacun de ces livres et
se sont endormis dessus.

ce que racontent ces auteurs a si peu d’importance :
ils avaient du style
et de l’humour.
si on parle encore d’eux c’est grâce à ça
ce que pas grand monde ne semble comprendre.
le style est intuitif et
instinctif et
ne s’apprend pas à l’école.

on dit que les mouettes passent leur temps
à nous chier sur la tête mais
qui peut avouer s’être fait chier sur la tête
par une mouette ?
cela sonne un peu métaphorique mais ainsi sont les stylistes
extrêmement rares.

j’avoue que j’aimerais devenir un bon styliste mais je ne déjeune plus.
je me lève très tard et mon premier repas est souvent composé
de viande hachée et de cornichons marinés.

c’était de l’humour.
voilà pour Shakespeare
donc

Patrick Brisebois
CARCASSES AU CRÉPUSCULE


Patrick Brisebois, 
éternel jeuneauteur







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